Page:Noailles - Les Forces éternelles, 1920.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
LA PATRIE

Le ciel pensif est doux, il est comme autrefois,
Il est comme plus tard. L’éternité sans âge
N’incline pas son stable et négligent visage
Sur d’épiques regards, sur de sublimes voix.
Et comme un vent joyeux repousse les nuages,
La saison du désir, le groupe heureux des mois,
Des funèbres fossés ont fait un gai rivage.

Il revient simplement, à l’instant attendu,
Ce serviteur exact, ce printemps assidu ;
Les prés sont réjouis, la pervenche est sans tache.
Des rais d’insectes d’or sont dans l’azur tendus,
Tous les vents palpitants ont, rompant leur attache,
Je ne sais quoi de fol, d’inspiré, d’éperdu…

— Ainsi toujours l’année a sa divine enfance,
Et la guerre, effroyable et hideux échanson,
Verse partout le sang, ruisselante démence ;
Et seul, sous le ciel bas d’un printemps qui commence,
Innocent, assuré, certain d’avoir raison,
Opposant son cri neuf aux désastres immenses,
Un oiseaU ; dans un arbre, élance sa chanson…

— Qui dira la tristesse écrasante, infinie.
De ce chant ingénu, invincible, qui nie
Le formidable don nécessaire des corps,
Qui renoncèrent tout, afin que soit bénie,