Page:Noailles - Les Forces éternelles, 1920.djvu/66

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
58
QUOI ! JE ME PLAINS DE TOI…


Du temps, de tous les temps que jamais rien n’épuise,
Ô monde ! tout consent
À me verser sa paix, sa tiédeur et sa brise,
À moi, faible passant !

Et je vais m’insurger ? Et je fais un reproche
À cet azur bénin
De ne pas conférer l’éternité des roches
À mon humble destin ?

— Non, non, mon cœur n’a pas, ô siècle des batailles,
Tout regorgeant de morts,
L’audace de mêler à vos grandes entailles
L’abîme de mon sort.

L’indigne volupté de souhaiter de vivre.
Alors que sont éteints
Les juvéniles corps dont l’Histoire s’enivre.
Jamais plus ne m’étreint.

Mais si j’ose songer à mon léger passage
Parmi de neufs rosiers.
Si parfois je soupire, « Ô nature, est-il sage
Que vous m’éconduisiez ? »