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LES BLESSÉS

Est soudain indivis entre deux millions d’hommes,
Ils savaient que chacun devait payer la somme
Mystérieusement incluse dans le sang,
Par qui sera sauvé le nom de la Patrie :

Patrie, orgue épandu, vaste et retentissant !

Ces deux genoux, ces bras, cette âme qu’ont nourrie
Le doux air, le doux sol et le parler français,
Soldats fiers d’être fiers, chacun de vous pensait
Qu’il est juste d’en faire, à l’heure atroce et noble,
La restitution aux sillons, aux vignobles,
À la ville exposée, offensée, et qui veut
Lutter comme une vierge entre ses longs cheveux…

— Ô soldats que j’ai vus rire, souffrir, vous taire
Dans la blancheur de chaux d’un ancien monastère,
Où, comme un haut jet d’eau, s’élevait dans la cour
Un arbre purpurin tout saturé d’amour.
J’ai près de vous appris le mourir et le vivre.
Nomades réunis qu’un même élan délivre.
Étant tous des héros vous sembliez pareils :
Cent aigles sont ainsi ayant vu le soleil ;
Vous parliez doucement, gravement, sans emphase.
De ces exploits qui sont une effarante extase
Dont nos yeux, sur vos fronts, épiaient le reflet.

Les autres écoutaient celui-là qui parlait.