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AUX SOLDATS DE 1917

 
Les voilà dans le sol, debout, et côte à côte
Plantés comme des peupliers ;
La terre indifférente a senti par ses hôtes
Un rêve immense s’éveiller,

Ils sont là, longuement, sous le climat terrible
Qu’est devenu le noble éther ;
Le feu, l’acier mortel, les hululements criblent
L’antique silence de l’air.

La Nature ignorante ajoute à ce vacarme
Sa pluie ou ses cuisants soleils ;
Ils sont là, sans répit, sans refus, sous leurs armes,
Et depuis trois ans si pareils

Que l’on pourrait penser qu’une forêt vivante,
Bleuâtre, animée et sans fin,
A surgi des sillons, et que le sol se vante
D’avoir pour sève un sang divin !

Ils ont vingt ans. C’est l’âge ébloui et sublime
Où l’être dans l’azur est pris.
Ces corps adolescents ignorent nos abîmes :
Ils font la guerre avec l’esprit !