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MÉDITATION

Et ce cri des oiseaux emplis d’inquiétude…
— Se pourrait-il, ô cieux, que j’eusse l’habitude
De vivre, de goûter le suave désert
Que forme le repos songeur après l’étude !
Ne sais-je pas qu’assis, ou debout et courant,
L’homme est toujours un même et régulier mourant !
Le Sort, qui le poursuit, ne le guette pas même,
Tant le pauvre vivant est désigné : s’il aime,
Quelque chose toujours lentement se défait
Dans son bonheur craintif, sa détresse ou sa paix ;
Il ne peut persister en son choix noble et tendre,
Il lui faut regretter comme il lui faut attendre,
Il ne connaît jamais les vœux du lendemain.
— Et pourtant, moi, le plus combattu des humains,
L’âme la plus souvent par l’orage étonnée,
Qui toujours vis les pleurs au plaisir se mêlant,
Je ne vous reprends pas ma confiance innée,
Querelleuse au beau front, secrète Destinée,
Favorable aux cœurs violents !