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JOUR DE JUIN


D’où vient ce chaud pouvoir des soirs qui nous fascinent,
Quand l’hirondelle jette en cercle dans l’azur
Ses cris persécutés d’oiseau qu’on assassine,
Suivis d’un silence ample et pur.

Une abbesse accoudée au puits d’un monkstère
Est un lys infini s’allongeant jusqu’aux cieux,
Mais jamais je n’ai cru que le ciel ni la terre
Combleraient mon cœur anxieux.

Je ne contemple pas l’activité suave
De ces soirs traversés par des flèches d’oiseaux
Sans frémir d’écouter l’appel sourd et si grave
Qui monte des bois et des eaux.

— Je m’abandonne à vous, éparse songerie
Où le divin s’unit à de profonds instincts ;
J’ai toujours déchilïré votre antique furie,
Beaux soirs faussement enfantins !

Comme un métal sur qui le dur marteau s’abaisse,
Mon être, en qui s’émeut le bloc tremblant des pleurs,
Sent descendre sur lui d’implacables caresses,
Jusqu’à l’éclatement du cœur !…