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ÉBLOUISSEMENT


Quelquefois, dans la nuit, on s’éveille en sursaut,
Et, comme un choc qui brise et qui perce les os,
On songe au temps qui fuit, aux plus jeunes années,
À l’aurore enflammant les vitres fortunées,
Aux fougueux papillons, qui, sur la paix des blés,
Se poursuivaient pareils à des jasmins ailés.
Les odorantes fleurs étaient des puits, des jattes.
Les abeilles dansaient autour des aromates,
Et leur vol chaud semblait aux plantes retenu
Par un fil lumineux, élastique et ténu.
Comme un clair groupement de forces bondissantes,
Les collines riaient triomphantes, luisantes ;
Jeunes jours dont l’accent ne peut pas revenir,
Qui nous consolera de tous nos souvenirs !
Ô matins de quinze ans, où le corps tendre et preste
S’alliait à l’arome, à la chaleur céleste,
Où les oiseaux montaient d’un vol facile et pur,
Où tout l’être semblait aspiré par l’azur,
Où l’on palpait l’odeur, l’air, l’horizon, les vagues