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PESANTEUR DU SOIR


Ont de timides haut le corps
Avant d’entrer dans les ténèbres
Où va rôder le vent du Nord.

Ce sont des instants doux, funèbres,
Où les aromes languissants
Nous pénètrent jusqu’aux vertèbres.

Cette paix du soir qui descend
Scelle une pierre sur ma vie,
Glisse de l’ombre dans mon sang.

Un train campagnard court, dévie
Et siffle comme un paquebot
Passant sur un lac d’Italie.

Que tout est lent, paisible, beau,
Dans l’immense et haute nature,
Qui semble un vaporeux tombeau !

On voit frissonner la verdure,
Et les blanches fleurs du tabac,
Au cœur de la pelouse obscure.

– Pour lutter contre ce trépas,
Contre ces torpeurs et ces sommes,
Elancez vos brûlants ébats,

Amour, continuez les hommes !…