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LA CONSOLATION DE L’ETE


Je ne crains que la pâle ivresse de l’automne,
Son extase assoupie, ardente, monotone ;
Mais tant que c’est l’immense et fabuleux été,
Le cœur bondit d’espoir, d’impétuosité !
En vain l’âpre douleur s’approche et nous pénètre,
On monte dans l’azur avec l’orme et le hêtre,
Avec les marronniers qui, si joyeux, si hauts,
Semblent des près luisants portés sur des rameaux.
On s’embarque sur chaque odeur et sur chaque aile,
Une abeille, en glissant, nous entraîne avec elle,
Et l’on se joint à vous, fût-on las et brisé,
Danseur des clairs jardins, jet d’eau vaporisé !
Car se peut-il qu’on soit sans espoir, que l’on meure,
Quand tout est si divin et doux dans la demeure ?
Quand le comble jardin, comme un vase éclaté,
Gît en mille morceaux de feu, d’ombre, d’été ;
Quand les stores de mince et claire vannerie,
Luttant avec l’azur et portant sa furie,
Conservent la maison et l’escalier plus frais
Que les bassins d’argent et les cruches de grès.