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L'ENIVREMENT


Le désir et Fêté oppressent chaque fleur,
Leur animale vie aimablement soupire,
Un oiseau, qui dans l’or du grand matin délire,
D’un cri continuel perce l’air plein d’odeur.

Entre des volets clairs, par des vitres ouvertes,
On voit, dans l’angle obscur d’une salle à manger,
Les tasses, la théière et le plateau léger
Ornés de petits ponts et de Chinoises vertes.

– Et je sens que le soir, près des tendres jasmins,
Sur la pierre brûlante et plate des terrasses,
À l’heure où le sifflet d’un train s’élance et passe,
Des jeunes femmes ont la tête dans les mains.

Elles ne savent plus que faire de leur âme
Dans des instants si doux et si fort parfumes,
Et rêvent qu’en des doigts subtils et bien aimés
La rose de leur cœur s’amollit et se pâme.

Ah ! comme je connais ces âmes en langueur
Qui, pleines de désirs et de soupirs, ajoutent
Leur déchirant parfum au printemps qu’elles goûtent,
Comme une abeille met du miel sur une ûeur

Ah ! pendant ces printemps, que d’ardeur répandue
Sur les pétales noirs des odorantes nuits,
Et que de cœurs penchants, pleins de divins ennuis
Vous ont, ô Volupté, doucement attendue…