Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LES EAUX DE DAMAS


Que de bonheur perdu loin des plus beaux climats !
Je ne verrai jamais la ville de Damas,
Mais en fermant les yeux, en laissant goutte à goutte
Son image filtrer dans mon âme, j’écoute
Le bruit que fait son eau, si vive, paraît-il…
Un bruit de printemps vert, de mille mois d’avril,
Bruit de sources errant dans le jardin d’Armide,
Bruit d’air, de fifre d’eau, de tambourin liquide,
Bruit argentin, luisant, circulant, blanc et blanc,
Bruit de brise qui glisse et de poisson volant.
Ah ! comme je vous vois, eaux douces, promptes, nettes
Qui giclez, qui tintez, obsédantes sonnettes,
Qui montez dans le fût des fontaines, et puis
Rejaillissez encor, ressautez dans des puits,
Dans des prés, dans des fleurs dont les gosiers halettent…
Ô frais linges courant, glissantes bandelettes,
Peuple d’eau qui jouez et dont on ne peut pas
Arrêter le plaisir, le rire, les ébats,