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LES HÉROS


Hélas, je ne crois pas à notre âme immortelle,
Mais j’ai pour profond paradis
Les feux que votre vie a laissés derrière elle,
Et les mots que vous avez dits !

Chétive, mais brisant ma paix et ma demeure,
Cherchant ce qu’on ne peut saisir,
Je fus pareille à vous qui précipitiez l’heure
Et qui n’aimiez que l’avenir !

J’ai vécu débordant de songes, la musique
Par qui la terre touche aux cieux,
Parfois semblait courir dans mon sang nostalgique
Et semblait jaillir de mes yeux.

Tout l’azur, chaque jour tombé dans ma poitrine,
S’élançait en gestes sans fin,
Comme on voit s’élever deux gerbes d’eau marine
Du souffle enivré des dauphins !

Je viens, portant sur moi la douce odeur des mondes
Et tenant les fleurs de l’été,
Accueillez-moi ce soir dans l’ombre où se confondent
L’héroïsme et la volupté !

1903-1907

FIN