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MES VERS, MALGRÉ LE SANG…


Mes vers, malgré le sang que j’ai mis dans vos veines,
Malgré l’exacte odeur de l’aube et de la nuit,
Malgré vos clairs étangs où tout l’azur reluit,
Et vos trente jardins de lis et de verveines,

Malgré vos vêtements, d’or et d’argent rayés,
Vos yeux plus complaisants, plus ivres de parade
Que dans les soirs d’été ne fut Sheherazade
Près du morne sultan qu’il faut émerveiller,
 
Malgré vos fleurs de mai dont chaque brin se pâme,
Malgré les fruits, le vent, le miel des douze mois,
Malgré tout ce torrent qui coule en vous de moi,
Qu’avez-vous fait du suc et du sel de mon âme ?

De ces désirs, ces cris, ces éblouissements,
Si tendres, si joyeux, si tristes, si sensibles
Qu’un autre être que moi ne les croit pas possibles
Et s’il portait mon cœur mourrait d’épuisement ?