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L’ORGUEILLEUSE DÉTRESSE

Nature, je n’ai pas peur de mourir ; mais vous,
Quand vous aurez fermé mes yeux puissants et doux,
Quand vous m’aurez couchée au fond de votre terre,
Quand je serai vaincue enfin, et solitaire,
Quand vous n’entendrez plus le sanglotant accent
Qui montant de ma bouche et montant de mon sang
Couvrait l’air, le soleil, la lune, l’amplitude,
Quels seront vos ennuis et votre solitude !
Je sais que d’autres voix diront l’or, la beauté,
Les fraîcheurs, les moiteurs divines de l’été,
Le liseron qu’un jour de juillet décolore,
La capucine avec son gosier plein d’aurore,
Les jardins où la nappe errante des rayons
Se pose sur la rose et les blancs champignons,
Les jardins si remplis de paix, de complaisance
Que c’est toujours la joie et toujours notre enfance.
Mais jamais un plus triste et plus brûlant désir,
Nature, ne viendra vous presser à loisir,