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LE REPROCHE AUX DIEUX


Comme le fruit doré d’un olivier divin,
Comme un pampre sacré dont on tire le vin
Et qui gémit soudain sous le bois du pressoir,
Ô mes dieux, vous avez broyé mon cœur ce soir !
Pour quel mystérieux et lyrique breuvage
Qui donne le désir, qui donne le courage,
Avez-vous eu besoin du sang rapide et tendre,
Qui dans mon cœur profond venait luire et s’étendre ?…
Hélas ! je respirais votre éther rose et bleu
Comme un flambeau joyeux dont vacille le feu,
Mon plaisir innocent, mes chants montaient vers vous,
Et mes doigts joints faisaient de l’ombre à vos genoux…
Vous irritais-je donc, étais-je trop paisible,
Ne vous craignais-je pas, que vous avez pour cible
Cruellement choisi ma vie ardente et fraîche
Et planté dans mon cœur confiant cette flèche ?
La fierté que je porte au milieu des humains,
Je ne l’ai pas pour vous, je vous baisais les mains,