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C’EST VRAI, JE ME SUIS BEAUCOUP PLAINTE…


De n’avoir, quand le verger brille,
Contemplé, qu’en souffrant de tout,
La paix des doubles camomilles
Dans le massif luisant et doux.

Je me suis plainte, ô Juillet tendre,
Chaque fois que vous reveniez
Vous rafraîchir et vous étendre
À l’ombre du faux-ébénier.

Mais maintenant bien autre chose
Tourmente ce cœur éploré,
Je ramène sur moi les roses
Pour que mon bras soit déchiré,

Je courbe au-dessus de ma bouche
Tous les vents avec leur parfum,
Afin que mon âme se couche
Dans un arome de miel brun.

Et je ne veux pas d’autre force
Que ma fatigue et son ardeur :
Qu’aucune ombre, qu’aucune écorce
Ne protège un si faible cœur,

Qu’aucune flèche, aucune flamme,
Qu’aucune aride pâmoison
Ne soit épargnée à cette âme
Qui veut défaillir de frisson.