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DON JUAN DE MARAÑA


Je pense à vous ce soir, don Juan de Maraña,
J’ai tenu tout le jour votre main trop aimée
Et baisé votre front que la rose imprégna,
Dans un livre puissant et noir de Mérimée…

J’ai tout le jour suivi vos pas dansants et forts
Dans Salamanque jaune, odorante et noircie,
Dans les Flandres, où vous chevauchiez sur les morts,
Dans Barcelone, dans Valence et dans Murcie.

Je vous voyais, feignant les larmes, les langueurs,
Couvert de l’or du jeu et de sang qui se glace,
Et lavé chaque soir par la bouche et les pleurs
Des corps voluptueux penchés sur votre face.

Vous alliez, mon amour, charmant comme l’œillet,
Arrachant les barreaux et les serrureries,
Pressant une figure en feu qui défaillait
Et que vous rejetiez quand vous l’aviez meurtrie.