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NOCTURNE

PRIÈRE À PALLAS ATHÉNÉ


Ô limpide Athéné, déesse de ma race,
Qui tiens la lance aiguë et portes la cuirasse,
Dont le casque, fendu d’un clair regard au bord,
Gonfle et reluit ainsi qu’une montagne en or,
Je t’apporte ce soir ma plaintive tristesse ;
L’été partout s’étire et fond, le soleil baisse,
Les oiseaux, le feuillage et l’univers enfin
Chancellent de désir et de douceur j’ai faim
De tout ce qui parfume et de tout ce qui brûle…
Je ne puis plus porter ce divin crépuscule.
Mets ta main sur mon front, que je puisse oublier
A l’ombre de ton frais et large bouclier,
Le rossignol d’Asie et la chaleur des Indes,
Les vérandas, les lourds œillets, les vasques peintes,
Et ces gazons profonds, pâmés comme des lits,
Où les noirs bananiers sont pleins de bengalis…
Ô Pallas, éloignez votre sœur Aphrodite,
C’est elle la torpeur, la vision maudite,