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NOCTURNE


Tes délicates mains où d’autres mains entrèrent
Pour de si vifs émois,
Sentiront s’infiltrer quelques grains de la terre
Par les fentes du bois.

Là-haut, sur la suave plaine, il fera rose,
Il fera doux et bleu.
Au cœur du lis ouvert, juillet, ô sainte chose,
Déposera son feu.

Tu dormiras dans l’ombre, et ta petite gloire
Assise en ce tombeau,
Ne fera pas ta nuit moins secrète et moins noire,
Ne te tiendra pas chaud.

Aucune fleur ne peut désennuyer les mortes,
Leur bonheur est cessé.
Celui qui les aimait n’a pas rouvert la porte
Où elles ont passé.

Il faudrait, pour qu’un peu de plaisir les rassure,
Que le plus cher amant
Leur dise : « Vois, je viens pour baiser ta chaussure
Et tes deux pieds charmants.

Qu’il leur dise : « Voyez, votre chambre creusée
Plus qu’une autre me plaît.
Ce lit étroit, ce plafond bas, ces mains usées
Sont ce que je voulais.