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LUNE, ROSE D’ARGENT…


Lune, rose d’argent du pâle paysage,
Que ton trouble charmant, que ton ardent visage,
Que ton faible flambeau me plaisent cette nuit !
L’azur étincelant, le soleil qui reluit
Touchent moins la secrète audace de mon âme,
Que ton front vaporeux de sainte qui se pâme…
Le jeune jour, couleur d’églantine et de sang,
Courait sur les chemins comme un enfant dansant
Qui rit de voir bondir ses pieds nus sur le sable ;
Mais le désir divin, l’ardeur inexprimable,
Le besoin de mêler les sanglots aux baisers,
Les rêves infinis, les cœurs inapaisés,
L’Amour enfin, fougueux et languissant vampire
Qui se nourrit du sang que sa morsure aspire,
Ose mieux confier à ton sein défaillant,
À tes bras alanguis de nymphe d’Orient,
Ses rêves sans espoir, ses fureurs haletantes,
Ô la plus langoureuse et pâle des bacchantes !…
— Rien n’est secret pour toi du désir des humains ;
Que malgré les regards, les genoux et les mains,
Nulle âme n’est jamais à l’autre âme mêlée,
Tu le sais, ô plaintive et sublime exilée ;