Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/354

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ANGOISSE


Quelquefois la calme beauté
D’un abondant matin d’été,
Ou le vent qui flotte et s’appuie,
Ou la douce odeur de la pluie
S’égouttant au long du raisin,
Ou la gaîté du sarrasin,
Des champs de trèfle, de sésame,
Répandent du calme dans l’âme…
— Mais quand le corps est envahi
D’un deuil oppressant, engourdi,
Quand le poumon ne se soulève
Qu’en portant le poids de son rêve,
Quand tous les bruits de l’univers
Sont un ongle aigu sur les nerfs,
Quand, empli de tendre épouvante,
On est une tombe vivante
Où git, puissant, continuel,
Un dieu sensible et sensuel,
Quand le regard est comme un gouffre,
Et quand c’est tout le sang qui souffre ?…