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DÉLIRE D’UN SOIR D’ÉTÉ

EMBRASEMENT


La sensible maison couleur d’ocre et de chaux
Rêve au bord du talus herbeux dans le soir chaud.
Son bleuâtre balcon de bois tiède supporte
L’ombre du figuier vert qui monte sur la porte ;
L’on peut croire que tout est paisible, assoupi,
Tant c’est ici, là-bas, et partout le répit…
Mais voici que surgit du bout de la colline,
Plus vif que l’ouragan, que la brise saline,
Plus luisant que les flots, que l’azur dans les mâts,
Le train noir qui disperse et change les climats…
Ô train toujours courant, inlassable fusée
Dont la lueur nous frôle et nous est refusée,
Destin noir et pressé qui devances le temps,
Tu cours vers le bonheur tandis que je l’attends !
Tu nargues dans la nuit le corps qui plie et rêve,
Toi qu’un brûlant plaisir étourdit et soulève !
– Beau train, ô mon amour, mon étourdissement,