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DÉLIRE D’UN SOIR D’ÉTÉ


L’air passe entre mes doigts comme dans le feuillage
Divisé des bambous,
Je ne sais plus quel jour, quelle saison, quel âge,
Je suis mêlée à tout…

L’espace est rafraîchi, des zéphirs noirs s’élancent,
Les sombres éléments
Comme de gais dauphins coulent dans le silence,
Avec des bonds charmants.

Quelques voix font encore auprès de ma fenêtre
Retentir leur appel,
Et puis tout cesse ; aucun souffle humain ne pénètre
Le calme universel.

Une horloge dehors s’ébranle et sonne onze heures,
Il passe un peu de vent,
Cette horloge a la note indolente et mineure
Des cloches de couvent.

– Ah ! que j’ai désiré de choses dans la vie,
Que tout me fut divin !
Que de plaisirs, d’efforts, d’allégresse, d’envie,
Que de soupirs sans fin !

Que d’espoirs où passaient de brûlants paysages,
De romanesques chants,
Des doigts fiévreux, mêlés, des sensuels visages
Sur des soleils couchants