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LE CHAUD JARDIN


Ô mon jardin divin, j’écoute tes parfums
Flottants dans l’air doré qu’aucun geste ne fauche,
Voici l’abricotier, le muguet, l’œillet brun,
À droite les jasmins, et le lilas à gauche.

Sur la pelouse molle où le soir complaisant
Jette ses pâles bras, ton magnolia rose
Est juvénile et beau comme un roi de quinze ans
Qui sait déjà la force et l’orgueil de ses poses.

La sombre giroflée a sa rêveuse odeur
Qui délicatement comme un balcon avance ;
Voici l’acacia penché, dont la langueur
A la lune d’argent chaque nuit se fiance.

Aromes que je sens, que j’entends, que je vois,
Je m’élance, m’arrête, et m’enivre et m’enflamme !
Je souris, je réponds à d’invisibles voix ;
Ô jeune, jeune Amour, c’est donc ici ton âme !