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VERGER D’ORIENT



Verger du mois de mai, beau comme un paradis !
Mes yeux sont de surprise et d’extase engourdis.
Je contemple aussi loin que les regards se glissent
Des pruniers, des poiriers, des amandiers fleurissent,
C’est un peuple odorant, qui respire et s’ébat,
Dont nous ne percevons ni les chants ni les pas.
Et voici, doux arome, heureuse poésie,
Le cerisier charmant, né dans la grande Asie !
Cet arbuste éclatant, éperdu, serpentin,
Jette un faisceau d’éclairs sur le ciel du matin,
Chaque branche d’argent fait un geste de joie,
Brille autant qu’un ruiseau, s’élance, monte, ploie,
S’allonge comme un cygne au col trempé d’odeur !
Des flèches de parfum semblent fixer mon cœur,
Je suis là, défaillante, et je fais mes prières,
Je dis « Blancheur des fleurs, lumière des lumières,
Miracle, songe blanc, cristal, vase divin,
Loin du faune joueur de Bute, du sylvain,
Je veux vivre au milieu des luisantes allées,