Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/276

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
271
CHALEUR DANS UN JARDIN


Au bord d’un narcisse enflammé,
Ivre d’orgie orientale
Un papillon s’est refermé,
Et pend comme un seul blanc pétale.

La guêpe aux deux ailes de miel
Flotte et tangue, infime navire,
Entre l’immensité du ciel
Et le cœur des fleurs qu’elle aspire.

Ah sortons des fraîches maisons,
Ayons l’audace des abeilles,
Courons aux pentes des gazons,
Foulons les sauges des corbeilles !

Prenons le soleil dans nos yeux,
Prenons la chaleur dans nos manches,
Soyons les nymphes et les dieux
De ce dimanche des dimanches !

Les vergers ont des murs d’odeurs
De lis, de pêches, de lumière,
C’est un appartement de fleurs,
C’est une tenture fruitière !

Et pareils à ce laurier blanc
Que presse la nue acharnée,
Distillons notre sang brûlant
Dans l’immense et fauve journée,