Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/275

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
270
CHALEUR DANS UN JARDIN


Le papillon semble bouillir
Au fond de la cuve azurée
Mais ses deux ailes font jaillir
Une aurore démesurée.

Dans les champs, d’ailes fustigés,
Tout s’ébat, pullule, jubile
Les pistils semblent prolongés
Par des flammèches érectiles.

Les hommes sont las, épuisés ;
Mais quelle chaude extravagance,
Quel besoin, quel goût des baisers,
Fait que toute la plaine danse !

Chant de fifres, de violons,
Tintement de claires cymbales,
Ardents insectes courts ou longs,
Frelons tassés comme des balles,

Odorante orchestration,
Bacchanale de la prairie,
Calices lourds de passion
Où la cigale gratte et crie !

On voit rouir dans la chaleur
Des gerbes longues, lasses, lâches ;
C’est comme un embarras de fleurs,
D’oeillets, de mauves, de bourraches.