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LE VOYAGE SENTIMENTAL


Ô mon ami, le temps fait bondir sa fanfare,
Venez, partons, fuyons, pour vivre ou pour mourir ;
Comme un puissant oiseau tournoie autour d’un phare
Allons brûler nos yeux aux flammes du plaisir !

Voyez, la lune luit comme un faune de marbre ;
Allons pleurer au creux des indolents hamacs,
Près des bosquets penchants, sous le parfum des arbres,
Dans les soirs langoureux et parfumés des lacs,

Dans les soirs d’Amsterdam, lorsque la brume arrive
Sur le fauve jardin, plein d’exaltations,
Et qu’on entend mugir vers leur lointaine rive
La panthère alanguie et les tristes lions.

Et puis, quittant soudain les villes et la lande,
Nous irons aborder dans l’île peinte en bleu,
Et, les regards errant sur la mer de Hollande,
Nous unirons nos cœurs profonds et nébuleux.