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LE POÈME DE L’ILE-DE-FRANCE


Je ne pourrai jamais dire de quel bien-être,
De quel parfum plus fort que le pollen des lis,
De quelle juvénile extaserne pénètre
Un matin qui bleuit les coteaux de Senlis.

On croit que l’on va voir l’ombre de La Fontaine
Dans les chemins charmants marcher près de Perrault,
Tant le jour a de grâce amortie et lointaine
Sous le ciel si léger, si sensible et si haut.

L’étendue est joyeuse, est enfantine et nette
Comme dut être au bord des parterres fleuris
La robe en pékin bleu de Marie-Antoinette
Alors qu’elle n’était que dauphine à Paris.

Les tilleuls sont en fleurs, l’abeille se balance,
Et soudain, dans la paix de cet été lassé,
Un lourd faisan s’envole et fait dans le silence
Le bruit d’un oiseau froid sur un étang glacé.

Tout est ordre, harmonie, heureuse jouissance,
Tout est dispos, exact, indolent et béni,
Il semble que le cœur de mon Ile-de-France
Soit soumis à la loi qui régit l’infini ;

Ô suave bonheur d’un azur qui se lève,
Où des bouquets de bois si doucement sont peints
Que l’on ne pourrait pas, sans déranger le rêve,
Courber ou remuer la branche d’un sapin.