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PAGANISME

Les dahlias mouillés d’un jardin janséniste,
Moi qui porte en mon sang et jusqu’au fond de l’os
Tes soleils et ton cri, divin Dionysos !…

Mais, c’est fini, cette âpre et déchirante lutte,
Je viendrai, mes deux mains tenant la double flûte,
J’aurai l’odeur du vert lotos, des serpolets
Près de moi des enfants joueront aux osselets,
Des paons s’envoleront en déployant leurs queues,
Au-dessus des enclos luiront des figues bleues ;
Pour cueillir ces fruits chauds entr’ouverts dans l’azur
Je presserai si bien mon corps contre le mur
Que je serai semblable à ces nymphes des frises,
Dont la jambe et la main sont dans la pierre prises.
Et désormais, sans voix, sans effort, sans souhaits,
Ayant touché l’immense et débordante paix,
Voyageuse arrivant et qui baise la porte,
Ne désirant plus rien je serai bientôt morte.
Mes doigts lâchant les bords de l’éther large et beau,
Je me renverserai sans peur dans le tombeau.
Car ce qui retenait mon être dans le monde,
Ce qui me fit joyeuse, âpre, errante, profonde,
Ce qui causait mon brusque et mon brûlant transport,
Ce qui me fit bondir dans mes cités du Nord,
Ce qui rendit mon âme, ivre, avide, malade,
C’était le grand désir de vous, ô sainte Hellade !
Ô Soleil du plaisir, ô Délices des temps !
Vous ayant vue, alors, j’irai, le corps content,
Sur le pas délicat et léger de la danse,