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DANSEUSE PERSANE


Aux grilles d’or de la terrasse,
Posiez-vous votre front trop lourd
À l’heure où le désir s’amasse
Sur le cœur constellé d’amour ?

Comme je vois à tous vos gestes,
À vos secrets qu’on peut saisir,
À toutes vos mines célestes,
Que vous n’aimiez que le plaisir

Que t’importait, ange farouche,
Ardent, faible et voluptueux,
Ce que, loin de ta douce bouche,
Les vieux sages disaient entre eux.

Pendant leur morne promenade,
Sur les bords du Tigre, en été,
Roulant leurs chapelets de jade,
Ils maudissaient la volupté.

Ils disaient que, puisque tout passe,
Puisque l’être est pareil au vent,
Il faut méditer dans l’espace,
Sous les platanes d’un couvent.

— Mais toi, danseuse au clair délire,
Gâteau de miel, de lis et d’or
Tu ris et dédaignes de lire
Leurs manuscrits où l’on s’endort.