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NATURE, VOUS AVEZ FAIT LE MONDE POUR MOI


Savoir qu’un jour ma tiède et légère beauté
N’aura plus ses rayons qu’on frôle,
Savoir que je n’aurai plus l’âge de Fêté,
Cela fait si mal aux épaules !

Cela blesse le cœur, la langueur, le désir,
Le sang, plus qu’on ne pourrait croire !
Ô juvénile ardeur, voluptueux plaisir,
C’est vous la seule verte gloire.

Ô animale terre, amoureuse du jour !
Ô soleil fier d’un beau visage !
Vous savez que je n’ai d’orgueil, de grave amour,
Que le doux honneur de mon âge.

Que ferai-je plus tard du délicat dédain
Qui gonfle mon cou vif que j’aime ?
Vous verrai-je souffrir pendant le bleu matin,
Mon orgueil plus fort que moi-même ?

Attendrai-je que l’ombre atteigne mes genoux ?
Que les regrets sur moi s’avancent ?
Il faudrait, quand on est aussi tendre que nous,
Mourir au cœur des belles chances…