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TUMULTE DANS L’AURORE

C’est une fraîche, immense, énergique gaité,
Olympien élan des matins de l’été !
Courants bleus de la brise ouvrant toutes ses ailes
Gestes de bon espoir et de bonnes nouvelles !
Ce vent robuste, empli de vives actions,
A la fougue des flots, des navigations ;
Il s’élance, il circule, et la terre est baignée
D’allégresse et d’amour. Dans la gare éloignée
Des trains désordonnés, emmêlés, vifs, bruyants,
S’appellent, et s’en vont au sud, à l’orient.
Ils s’en vont, bondissants, soulevés, noirs archanges,
Vers les pays du musc, du cèdre, des oranges,
Enroulant à leur soc les chemins dépliés,
Emportant la montagne, arrachant les piliers,
Desséchant les étangs et jetant dans l’espace
Le village béni auprès duquel ils passent…
Et soudain tout mon être est à leur poids lié.
– Ah ! comme vous frappez, peuplez, multipliez
Nos désirs éperdus, notre mélancolie,
Trains emplis de souhaits, d’angoisse et de folie !
Ah comme vous scandez les battements du cœur
Avec une infernale et rapide vigueur,
Marteau, crépitement, enclume, forge errante !
– Les trains noirs font surgir une ville odorante,
Une grève où la mer jette son tendre flux,
Rien qu’en passant fougueux entre les deux talus
Où leur tumulte ardent s’ébat, s’enfonce, éclate !
Les membres ëployés, le regard écarlate,
Ils vont, actifs, brûlants, précis, illimités,