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RÊVERIE PERSANE


Ô Mort, s’il faut qu’un jour ta flèche me transperce,
Si je dois m’endormir entre tes bras pesants,
Laisse-moi m’éveiller dans l’empire de Perse,
Radieuse, éblouie, et n’ayant que quinze ans.

Alors, je connaîtrai, moi qui rêvais tant d’elle,
Ispahan, feu d’azur, fruit d’or, charme des yeux !
Les jardins de Chirâz et la tombe immortelle
Où Sâdi refleurit en pétales joyeux.

Les bras levés, le cœur divinement sensible,
Je percevrai, dans l’air si limpide, si mol,
Ô musique d’amour frémissante et visible,
Les soupirs de la rose et du chaud rossignol !

Au travers des pavots, des lis, de la verdure,
Je verrai s’avancer, curieux, familiers,
De beaux garçons persans en bonnets de fourrure,
Aux profils aussi ronds que des jeunes béliers.