Page:Noailles - Les Éblouissements, 1907.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
SOIR D’ESPAGNE


Ils ont la maison blanche et le balcon d’ébène,
Le piment épais et vermeil,
Et pour les jeux sanglants, dans l’exaltante arène,
Des places d’ombre et de soleil.

Ils ont leur sombre église à leurs amours propice
Dans ce royaume d’argent noir,
Dans les niches couleur de résine et d’épice,
La Vierge luit comme un miroir.

Et l’amant torturé offre un cierge qui fume
À ce beau visage oppressé,
Et contemple, au travers de ces vapeurs d’écume,
Cette Vénus au sein percé.

Et l’enlaçant soudain d’un tendre et triste geste,
Lui dit « Ô ma plaintive sœur,
Quel rival enflammé de ton amant céleste
T’a mis ce couteau dans le cœur ? »