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LE JARDIN-QUI-SÉDUIT-LE-CŒEUR


Les voir quand leur tendresse est si vive et si forte
Que, Leila frappant à son toit,
Hafiz lui demandait : « Qui frappe de la sorte ? »
Et Leila répondait « C’est toi… »

Hélas ! il est fini, le temps divin et tendre
Des parcs éclairés d’un lampion,
De la fable ingénue et si douce à comprendre
De la tortue et du scorpion ;

Le temps où le beau fleuve amenait sur les sables
Des vaisseaux lourds comme un été,
Où Bagdad s’appelait « Lieu des vertus aimables »
Et « Séjour de l’urbanité ».

Dans la paix du Koran et des métamorphoses
Les Perses dorment leur sommeil ;
Il ne reste plus d’eux que la cendre des roses,
Que la lune et que le soleil.

Mais du moins sur la terre, aux plus beaux jours du monde,
Ils ont bu la douce liqueur
Du désir, des plaisirs, de l’extase profonde,
Au Jardin-qui-séduit-le-cœur !