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LE JARDIN-QUI-SÉDUIT-LE-CŒUR


Au-dessus des cyprès, dans l’été violâtre
Qui flambe, halette, se tord,
La ville de métal, de faïence et de plâtre
A l’éclat du camphre et de l’or.

Le dôme est un fruit bleu ; des arches qui se croisent
Font des ponts lumineux et hauts,
Mosaïque d’émail, diadème en turquoises
Jeté sur le sommeil des eaux.

Dans les fraîches maisons soigneusement repose,
– Flacons de jade, lourds et plats, –
Le vin de Carménie aux senteurs de la rose,
Qu’on scelle avec du taffetas.

Le matin, dans la rue où s’éveille la joie,
S’ouvrent, tintants, brillants et beaux,
Le Magasin du vin, des cafés, de la soie,
Et le Magasin des flambeaux.

Ah rencontrer Sâdi, Hafiz et l’astronome,
Dans leurs robes de tissu vert,
Quand leur barbe d’azur, que parfume la gomme,
Luit comme un éventail ouvert ;

Les suivre, quand ils vont d’un pas noble et qui rêve,
Brûlants, mystiques tour à tour,
S’étendre dans les champs gonflés d’onde et de sève,
Près des paons enivrés d’amour.