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EN FACE DE L’ESPAGNE


Le soleil resplendit sur les jardins séchés.
Les premiers dahlias que l’averse a penchés
Accotent au mur blanc leurs vertes, longues tiges.
Les souffles de la mer emmêlent leurs vertiges,
Et le vent, faune bleu, violente en chemin
Des jeunes femmes, qui se voilent de la main. ..
Dans la douceur traînante et tiède du soir basque,
Je vois luire là-bas l’Espagne âpre et fantasque,
Qu’un éclatant rayon brusquement colora.
– Que ne puis-je, allongeant vers l’horizon le bras,
Toucher le sol brûlant et ses rouges grenades.
Beauté d’un pays d’or ! fiévreuses promenades
Sous un ciel sans pâleur, sans ombre, sans oiseau,
Dans les vallons jaunis et secs du Toboso !
Comme j’entends déjà l’irritante cadence
De l’Espagne farouche et tintante, qui danse,
De l’Espagne, qui joint sur son mol vêtement
Les flammes de l’orange au rouge du piment ;