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LES PLAISIRS PAIENS


Une cloche d’or vif chaque soir sonnera
Pour la prière d’Aphrodite,
Et des pâtres viendront nous presser dans leurs bras,
Sous les bosquets de clématites.

Les cellules auront, sur leurs murs blancs, égaux,
Pareils à de la neige neuve,
Des faïences de Perse, où l’œillet indigo
A des bourgeons bleus comme un fleuve.

Je vivrai là, tenant entre mes doigts distraits,
Un chapelet lourd de lumière,
Formé de petits fruits, humides, ronds et frais,
Cueillis dans l’aube printanière.

Je rêverai au temps de triomphe et d’ardeur,
Lorsque Sophocle à Salamine,
Souhaitait de presser en hâte sur son cœur
Un cœur que l’amour illumine.

Il était jeune, beau, plein de ravissement,
Il s’en allait à la victoire,
Je l’aurais rencontré dans le matin charmant
Lorsque l’abeille aux fleurs vient boire.

Ô plaisir de quitter soudain un doux repos,
Quand déjà la flotte tressaille,
Et de sentir frémir un bondissant héros,
A la veille de la bataille !