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L’AMBITION


« Car je t’aime, ô éternité ! »


La journée est vivante, errante, un ciel uni
Semble un flot argenté glissant vers l’infini.
Là-bas, c’est la colline heureuse, la prairie,
Ici le beau jardin Douce géométrie
Des rangs de résédas baignant dans cet azur !
Tout l’univers, bombé, harmonieux et pur,
– Globe candide et doux que les soleils allument –
Est comme un éclatant oiseau gonflé de plumes
Dont on voudrait lisser le corps délicieux…
Caresser de la main la pelouse et les cieux !
Sentir, sous la tiédeur amoureuse des paumes,
Palpiter l’azur clair et ses veines d’aromes :
Sang rouge des rosiers, sang bleu des fleurs de lin,
Sucre du lis, pollen mouillé du romarin,
Des blancs bégonias, et de la balsamine…
Etre si peu de jours sur la terre divine,
Être soumis au temps, à la destruction,
Et qu’il y ait parfois tant de perfection