Page:Noailles - Le Cœur innombrable, 1901.djvu/74

Cette page a été validée par deux contributeurs.
68
LES PARFUMS

Parfum des fleurs d’avril, senteur des fenaisons,
Odeur du premier feu dans les chambres humides,
Aromes épandus dans les vieilles maisons
Et pâmés au velours des tentures rigides ;
Apaisante saveur qui s’échappe du four,
Parfum qui s’alanguit aux sombres reliures,
Souvenir effacé de notre jeune amour
Qui s’éveille et soupire au goût des chevelures ;
Fumet du vin qui pousse au blasphème brutal,
Douceur du grain d’encens qui fait qu’on s’humilie,
Extrait de l’iris bleu, poussière de santal,
Parfums exaspérés de la terre amollie ;
Souffle des mers chargé de varech et de sel,
Tiède enveloppement de la grange bondée ;
Torpeur claustrale éparse aux pages du missel,
Acre ferment du sol qui fume après l’ondée ;
Odeur des bois à l’aube et des chauds espaliers,
Enivrante fraîcheur qui coule des lessives,
Baumes vivifiants aux parfums familiers,
Vapeur du thé qui chante en montant aux solives !