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fraternité

— Nature, il n’est pas bon que nos frères soient tristes,
Que dans l’azur vivant où ta candeur existe
Ils aient contre eux la vie et les péchés humains ;
Il n’est pas bon qu’ils aient des fatigues aux mains
Et qu’isolés aux joies du rêve et de l’étude
Nous regardions de loin leur grande lassitude.
— Nature, vous aimez les jeux de vos saisons.
Vous vous plaisez à voir reluire à l’horizon
Le doux balancement de vos tendres épis.
Alors, vous vous mêlez à l’automne assoupi,
Heureuse, ayant nourri de votre cœur la plaine,
De voir que l’orge est mûre et que la vigne est pleine
Et que les chariots, où croulent vos moissons,
Ayant repris leur route entrent dans les maisons.
Car vous ne savez pas quand vous donnez vos sèves,
Quand votre grain joyeux se déchire et se lève
Et qu’à faire le blé vous mettez tant de soins,
Que des êtres mourront d’en avoir eu besoin…
— Vous dont j’aime le goût, l’odeur, la bonne rage
Du vent, du puéril et violent orage.