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LA DOMINATION

» Son peuple l’a aimé ; on l’a choisi et honoré dans d’importantes querelles.

» Il sait sa gloire. Quand il est seul, il écoute son nom ; son nom est autour de lui comme une présence, comme un parfum qui toujours monte et de toute part l’encense. Maintenant cet homme est si triomphant que l’idée de son tombeau lui semble encore éclatante et victorieuse…

» Pourtant, Martin, lorsque je marche près de lui, mon orgueil, loin de s’abattre, s’élève. Je m’écrie : Ah ! qu’importe, je le sens bien, nul être ne m’est supérieur !

» Oui, Martin, les chants du jeune Shakespeare ne l’enivraient pas davantage que ne m’enivrent les parfums de mon cœur.

» La puissance d’enivrement, voilà le bien incomparable pour lequel rien ne nous est utile que nous-même. Dans de sombres bibliothèques, assis jusqu’après minuit, combien de fois n’ai-je pas saisi avec passion les