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trop aventureux. Et pourtant, elle s’y était acharnée avec une habileté guerrière…

Ah ! que ce visage, qu’elle avait autrefois regardé indifféremment, fût aujourd’hui pour elle terrible et mystérieux comme la mort ; qu’il fût plus difficile à contempler en face que le soleil, plus nombreux et plus cher que toutes les formes de la nature, quelle surprise et quelle humilité !

Et, fermant les yeux, Sabine se rappelait avec une acuité mortelle l’obscure douceur des cils du jeune homme, l’ombre de la narine frêle et volontaire.

Elle ne goûtait même pas près de lui le plaisir de se sentir belle, qui dans son existence avait été la plus chère émotion ; et elle n’était point belle près de lui en effet ; elle le savait, tant son visage se contractait alors en inquiétudes, en rapides vigilances, en perspicacités hostiles et soupçonneuses.

N’ayant jamais eu avec lui de clairs entretiens, elle était balancée de la joie à la crainte par les attitudes contradictoires du jeune homme, les manières de son visage et de ses paroles. Elle ne le comprenait pas.