Page:Noailles - La Nouvelle Espérance, 1903.djvu/95

Cette page n’a pas encore été corrigée

elle tressaillait à cette toux comme si elle avait vu le sang de son ami, comme ayant vu jusqu’au fond son âme physique et fragile.

Maintenant la grande stupeur de Sabine était que ce fût celui-là qu’elle aimait. Elle n’avait point ressenti pour lui ce rude appel du destin, qui, comme elle le lisait dans les livres, menait sûrement les êtres l’un vers l’autre ; elle connaissait Jérôme, elle avait parlé avec lui, presque vécu avec lui, sans que rien de lui l’intéressât ou l’attirât, et même après, quand il avait commencé de lui plaire, cela avait été sans trouble et sans excès.

Elle se laissait aller lentement à ce goût qu’elle prenait de lui et qu’il prenait d’elle.

Sabine se rappelait sa première jalousie : Une nuit qu’ils étaient ensemble à une réunion musicale, l’ayant vu entouré de quelques femmes et riant, elle avait eu l’envie de se jeter à son bras, de lui dire : « Allons-nous-en d’ici, venez, je vous prends ; vous n’êtes pas aux autres, vous êtes à moi. » Elle avait bien compris, dès ce moment, qu’elle ferait mieux de ne pas aimer ce garçon trop jeune, trop mol et