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marié, je ne ferai plus de musique, j’irai sur mer, et je chasserai. »

« Il est fou ! À quoi songe-t-il, pourquoi me taquine-t-il ? » pensait-elle.

Pourtant, quoique un peu de contrainte, un peu de défiance entrassent dans les manières de ce garçon, il continuait auprès de sa cousine cette assiduité inerte et tenace qu’elle prenait pour de l’amour. Mais son courage à elle commençait à se fatiguer, ses pensées s’emmêlaient, elle avait du vertige dans la tête. Elle sentait bien que, quoiqu’il ne la voulût pas quitter, c’était elle qui tirait de toute son âme sur la volonté de l’autre… Courbée en deux, tendue d’effort, elle halait le cœur arrêté de cet homme.

Elle voyait depuis quelque temps avec une lucidité singulière le caractère de Jérôme ; elle savait sa vanité, sa nonchalance obstinée, ses colères réservées et polies, sa passion de lui-même. Elle en gardait le secret jalousement et se plaisait à être seule à le connaître si bien.

Elle s’attendrissait de ses faiblesses, comme aussi de l’entendre tousser quelquefois le soir, au milieu de la fumée des cigarettes qui le gênait ;