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bords de l’ombre, un inconnu qui lui eût dit : « Qui êtes-vous et qui suis-je, cela n’est rien ; mais à cause du soir lilas, à cause de la volonté des choses du printemps, de mon désir et de votre corps qui rêve, venez avec moi… »

Marie appelait Sabine : on l’attendait pour dîner. Alors elle rejoignit les autres dans la salle à manger, que parfumaient les premières fraises.

Ensuite, dans le salon sonore, bas et presque vide, autour de la table où la lampe entre deux pots de bégonias faisait sa flaque de lumière jaune, la soirée se passa en jeux patients ; on entendait le bruit des jetons, l’énoncement des cartes. Sabine s’endormait un peu, sa belle-mère s’éventait, moins par nécessité que pour faire autour d’elle de l’air qui attirât l’attention.

Remontée dans sa chambre, étendue dans son lit, les yeux encore ouverts, sa bougie brûlant, Sabine pensait, elle rêvait. Au mur, en face d’elle, était suspendu, dans un cadre en forme de médaillon, le portrait d’une jeune femme.