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broderie sont encore pliantes ; elles devaient être molles et faibles comme le corps des oiseaux qu’on tient serrés.

» Mon ami, ces épaules qui avaient deux gros nœuds de soie bleue, bien lisse, ont porté la chère violence de vos mains qui m’ont courbée un jour vers votre désir. Dites-moi pourquoi cela fait si mal et pourquoi je pleure parce que j’ai été petite, et si sage, et si confiante ?…

» Mon bien-aimé, j’ai eu peur de tout dans la vie : de l’orage, de la nuit, de la solitude ; et même, quand je sortais si brûlante de chez vous, du vent qui me prenait en hiver au coin de la rue, et me glaçait, et me faisait croire que j’allais mourir de froid ; et maintenant je vais absorber ce poison tranquillement… Vous comprenez ce qu’a fait en moi cette semaine…

» Je ne veux plus maintenant penser qu’à toi… je ne serai plus, mais tu vivras, et c’est cela qui m’est nécessaire ; tu seras cet hiver dans la belle pièce sombre où tu travailles.

» Tu seras près de la cheminée chaude, devant ta table pleine de livres et de papiers ; tu auras le cou et la figure teintés de cette lampe