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» Je ne veux pas vivre pour cela, je ne vis pas quand il n’y a plus de joie… Enfant, je sentais que la résignation et l’accablement étaient quelque chose qui était fait pour d’autres gens que pour moi.

» Et tu ne voudrais pas, mon bien-aimé, que celle que tu as prise pour sa vitalité, sa colère et ses cris, que tu as tenue contre toi, mouvante et multiple à force d’aspects, de regards et de désirs, et d’un tumulte tel, que ses gestes et sa voix changeaient la couleur de l’air, fût ainsi morne et soumise.

» Mon bien-aimé, la semaine que je viens de passer m’a amolli le cœur, m’a rendue pauvre et faible. Je m’attendris et je pleure parce qu’il y a en face de moi, accroché au mur, le portrait où je suis une petite fille. Je suis là, très petite, à deux ans, je crois ; j’ai les yeux grands, un peu lourds et doux, qui regardent devant soi… Je regarde devant moi bien doucement, et patiemment, comme si on m’avait assise là en me disant qu’on allait revenir me prendre. Les cheveux sont tout plats, un peu blonds encore, baissés sur le front, j’ai l’air très sage et d’attendre. Les épaules nues dans la robe de