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et de larmes : un visage plein d’ombre, où chaque place est humiliée.

» En craignant et en souffrant pour vous, je me fatiguerais, je vieillirais, je connaîtrais cette torture, qui va m’être épargnée, de ne plus vous offrir une beauté sûre de soi, tandis que j’ai senti quelquefois, avec une ivresse si orgueilleuse, que je vous apportais tous les paysages et tous les degrés de la lumière dans mes yeux et mes mains éblouis.

» Et puis je n’ai jamais éprouvé, en plaisir, que ce que j’avais en moi. Quand je suis fatiguée et que je sens mon corps misérable, je ne vois pas les jardins et les fleurs.

» Mon ami, j’ai ces temps-ci, en marchant dans les rues, beaucoup observé les visages des femmes. Presque toutes celles que j’ai vues passer avaient le front sombre, les traits détendus dans l’ennui, l’air installé dans l’indifférent. Elles ne sourient et ne rient plus du tout : on n’imagine pas qu’elles puissent rire !

» Elles vont, s’asseyent, s’occupent, regardent, se dirigent avec une sorte d’exactitude navrante. Sur quelle horloge règlent-elles leurs nécessités si vaines ?